Je pensais pouvoir la protéger,
Je croyais même le devoir,
Puisqu’à Elle, intimement liée.
Et Je l’emmurais, sans le savoir,
Dès ces plus jeunes années, je l’estimais,
Fragile, sensible et déjà blessée,
Alors que sa vie, à peine, débutait,
De tout, Je la tenais à l’écart, cachée,
De vêtements trop larges sur Elle pour ses formes,
Pour assurer l’absence d’avides autant qu’acides regards,
A l’obéissance, sèchement éduquée, de la norme,
Elle frôlait les murs, l’esprit rebelle silencieusement bavard,
Mille paroles dérangeantes, par crainte de déplaire, retenues,
Un corps encombrant, d’un genre à risque, né pour en démordre,
Sa vision décalée du Monde visible malvenue,
Et la menace d’une punition, quand elle parlait de désordre,
Une enfance d’impuissance, à sauver l’animal domestiqué,
Elle, sauvage mais bien cadrée, qui fuyait ses pairs,
Des refuges faits de cages même pas fermées à clés,
Prisonnière innocente, dépourvue de repère,
Je pensais pouvoir la guider,
Je croyais ainsi la guérir,
De cette douleur insondée,
Qu’aucune âme humaine ne savait adoucir,
Puisqu’elle est ma seule intime amie,
Depuis toujours, je voulais être là,
Farouche défenderesse non affranchie,
Et je creusais sa tombe, sans éclat,
Plus d’une fois, Elle prit le dessus sur moi,
Et de par sa sagesse, nous sauvas la peau,
A flanc de divers émois, d’extrêmes guingois,
Nous basculions entre cruelle terreur et profonde joie,
A-t-il fallu que je risque de la perdre à ses trente ans,
Innocemment, sans possible marche arrière,
Nous étions là, vivantes mais abattues par combat pesant,
Ultime alarme pour me réveiller de ce questionnement délétère,
Sans plus de force dans nos viscères pour protester,
Nous étions allongées, branchées, côte à côte,
Enfin stoppées dans cette course, bêtement empêtrées,
Sur ce drap froid, de l’une ou de l’autre, à compter les fautes,
Je craignais m’être trompée,
Je feignais encore y croire,
Pouvais-je seulement encore décider,
Réduite au fantôme pour reflet dans le miroir…
Je ne le savais pas encore alors, pleine de croyances infusées,
Risquant, à cœur défendant, de mourir de la peur de vivre,
Mais aujourd’hui, je dis merci bien fort à l’épreuve traversée,
Ce chapitre écrit à quatre mains pour un seul Grand Livre,
Depuis, mon amie et Moi écrivons de nombreux paragraphes à rebonds,
D’une plume faussement grave ou d’une mine éphémère,
Nos langages sont peu compatibles sans traduction,
Mais nous avons saisis ce lieu de rencontrer où tout se fond,
Un espace vibrant dans le point de jonction entre notre naissance et l’Univers,
Un seul mot, qui ouvre la porte à Qui je Suis, qui dit Oui,
Infusant mes méandres jusqu’à leur complète révolution dans les airs,
Une zone franche devenue merveille de la Création, la Vie.
Véronique Briqué
Auteure de balades poétiques