Sans annonce, quand je serai fripée par les épreuves d’une vie de gitane, le gris éparpillé sur ma joie déjà éteinte,
Alors que depuis ma grande gueule, je tancerai l’injustice et le mauvais sort, réservés aux filles de mon genre, d’un mauvais bois,
Au fond du lit de mes souvenirs déchirés par des litres d’alcool bon marché, je lorgnerai tes aller-retours et tes feintes,
Et piétinerai tes mots doux, furieuse que tu prétendes m’aimer mieux que je ne me l’accorde à moi,
Et tu reviendras cent fois sur le lieu de notre premier baiser, me prouver l’ardeur de ton amour pour toujours,
Quand je raillerai ta niaiserie, délavée de toute fierté sauvage, incapable, depuis cinquante années, d’accueillir ce trésor,
Alors même que mon âme éperdue se rappellera l’évidence d’un lien indéfectible entre nous, dès le 1er jour,
Tu puiseras à jamais dans le feu de ta passion d’homme fou le cri ensorcelant du pacifique warrior,
Pourtant, je faillirai rarement, devant tant de force et de grâce, si rudement attachée par une maudite lignée aux chevilles irritées,
Inlassablement, tes brillantes pupilles feront la lumière sur les entraves blessantes enfoncées dans ma chair,
Un à un, les maillons s’en briseront et s’envoleront, avec éclat, dans le ciel du Pardon, libérés,
Et par cette légèreté nouvelle, je découvrirai la sérénité dans le poids de ta sagesse millénaire,
Jadis effrayée, je jaillirai enfin, étourdie, dans le fleuve de ton absolu, teinté de ton parfum fidèle,
Tes bras amaigris par tant de patience retenue se feront l’abri dans lequel je me déposerai,
Toute réserve levée, mon esprit se lovera dans le creux de ton imperfection infaillible et nous savourerons le sel,
De nos deux vies réunies dans cette danse en surface contradictoire mais mille fois, en silence, incarnée,
J’ai crû, jadis, avoir eu peur de me perdre dans une faille.
Véronique Briqué
Auteure de balades poétiques