Détournement,
Cette pile de dossiers, chacun plus urgemment utile que les autres,
Et ces sollicitations du monde, dans lesquelles tu te vautre,
L’énième course à laquelle il t’est impossible de renoncer,
Sur un corps déjà douloureusement souffrant, brisé,
L’aide que tu t’imposes d’apporter à ceux qui ne le demande pas,
Parce que tu veux le soulagement fragile qu’ils vivent bien pire que Toi,
La maison que tu fuis, pleine de trop joyeux et tendres souvenirs,
Divaguant de bars en Casinos, pour, ces vains et fous oublis, recouvrir,
L’insupportable chaleur humaine des généreux de cœur, ignorant,
Qui osent t’assurer que demain, plus loin, tu deviendras résilient,
Ces images dénuées de substance, qui défilent sans pause devant tes yeux secs,
Volent ton attention et retiennent tes émotions en hypothèque,
Toutes ces vitrines qui promettent l’orgie de bonheur pour quelques billets,
Miracle à durée limitée, camouflée à coup de slogans douillets,
L’appel impérieux de gâteaux irrésistibles, assurance de tous les soulagements,
Engouffrés sans retenue pour éviter de trébucher sur le manque, Innocemment,
Parler, beaucoup, longtemps, encore, de rien, pour faire du bruit dans ta tête,
Dire oui à chaque invitation, même à celle qui ne t’attire pas, et t’échapper dans la fête,
S’énerver ou s’affoler avec l’amour, le lien, la paix, le bien, la mort, l’au-delà,
Avec « toujours » qui n’existe pas comme tu voudrais dans cette vie terrestre là,
Casser, la vaisselle, les relations, qui te rappellent, avant, comme c’était bon,
Insulter avec mépris tout ce qui te guide et te pique tel un aiguillon,
Trouver coûte que coûte, désespéré, d’inévitables occupations,
Espérant parvenir à t’effondrer tard le soir, d’inanition,
Manquer cruellement d’air au réveil d’une matinée « différente »,
T’effrayer de peut-être y rester, résistant à la peine maintenant submergeante,
T’engouffrer sous la polaire, transit de froid, gorgé de cette eau libératrice,
Bleu de peur de ne pas savoir comment survivre aux larmes évocatrices,
Sur la tranche de ta détresse, tu oscilles, crânes dans un instant d’apnée abominable,
Parce que la Vie est en Toi, infaillible, elle te réclame et tu deviens friable,
Soudain, le barrage que tu as cru si solidement construit explose,
Relâchant dans un torrent sauvage ta vérité, jusqu’à l’apothéose,
Aucune gloire qui ne vaudrait médaille dans l’accomplissement de cet exploit,
Que celle accordée à ta sagesse d’humain dans la splendeur de tes émois,
T’aura-t-il fallu tant de cris, de mensonges, de déviations et de leurres,
Avant de rencontrer l’évidence de la force guérissante de tes pleurs,
Tu vogue maintenant pour une durée inconnue sur le fleuve de ton renoncement,
Les yeux ouvert sur un horizon différent, consciemment.
Véronique Briqué
Plume & Prose