Et si c’était mon enfant, assise là-bas dans le coin, apeurée des bruits et des cris de ce Monde, recroquevillée sur ses genoux, le ventre serré, le souffle à bout,
Au bout de mille questions, la plus cruelle dans son regard, depuis ses yeux innocents, pour quoi suis-je là ? le froid pour compagnon, les rêves absents,
Absent de toute consolation, parmi ces ères en duel, démunis de solution, quelle vie pour une âme humaine si jeune, les ambitions gelées par un vent glacé,
Glacé pour anesthésier la souffrance, ce pieux dans le cœur de l’humanité, vilaine errance d’esprits abandonnés, ne sachant plus ce qu’ils veulent, choppés par la haine,
Cette haine au germe d’une transmission sans conscience, tâchant de trop nombreuses enfances, jusqu’à ce jour juste, où je me demande enfin, et si c’était…
Serais-je suffisamment courageuse et aimante pour creuser ma Terre, soulever les cadavres et sortir les secrets, cesser de me taire, trahir chantages et décrets,
Décrets pour s’assurer de se faire aimer, même sous les coups, puisque tous les modèles sont permis pour ne pas mourir d’être ignoré, à en devenir docilement folle,
Folle libre, oserais-je m’interroger, au fond, Qui je suis ? briser les plus odieux tabous, remuer le ciel, faire tomber la pluie, laver les voiles de l’insouciance facile,
Faciles, les belles phrases, assise à l’abri, scrutant mon reflet dans cet angle sombre, à peine lucide sur ma responsabilité, entourée d’ombres et de culpabilité,
Et si c’était mon enfant, ces souvenirs ensevelis pour cause de trop de ressentis, si douloureux, souvent muets, que personne n’accueillait ni ne reconnaissait,
Reconnue par moi-même, déciderais-je, dans un sursaut d’amour non appris, de me tendre les bras, doucement m’enlacer de tendresse, m’avouer que je m’aime,
Si c’était moi l’enfant, dans chacun de ces recoins de misère, quelle mère voudrais-je pour m’apprendre à en sortir, préférer le culot d’oser me guérir et choisir d’en vivre,
Vivre d’une seule traite, empruntant toutes les courbes convexes, rebondir sur mes réflexes, sourire vrai, sans soumission à la privation, fleurter sur les arêtes acérées,
Acéré, le tranchant de mon glaive maintenant éveillé, prêt à trancher les liens qui croient pouvoir encore me tenir cachée, il est temps que je m’élève,
Je suis cette enfant qui se redresse, sous mon regard puissamment aimant, et je découvre que si détresse et diamant sont côte à côte, je peux, sans défaute, danser,
Danser, pour propager ce mouvement qui invite chaque enfant à sortir de cette zone éteinte, danser pour jaillir en étincelles de soleil, dans sa propre lumière, éclairé.
Véronique Briqué
Auteure de balades poétiques