Lili a 4 ans, sa famille est joyeusement aimante,
Du blabla à chaque repas, convivial, ensemble,
Les Week-ends, ils accueillent Josie, une grand-tante,
Lèvres pulpeuses d’un chimique rouge vif, limite agressif, gros seins qui tremblent,
Chaque samedi, sans se rendre compte de l’impact, la Tatie étreint Lili contre sa poitrine étouffante,
La petite a peur, coincée, prisonnière de ces bras qui la serrent trop fort, se sent ensevelie,
Seulement, elle a 4 ans, elle obéit, et depuis cette injonction, se blesse, inconsciente,
Devant ses parents, elle se force, ne peut rien dire de son inconfort, et pire, pour plaire, elle se trahit et rit,
Son cœur d’enfant, dont les besoins restent transparents, subit l’éducation,
Par cette démonstration, qui se veut certes d’amour, mais hélas imposée,
Parce que dans la famille, son frêle désir passe derrière le dictat de la tradition,
Lili grandira avec la conviction que ses propres ressentis sont à ignorer,
Oui, Lili grandira, mais remplie, sans le savoir, de rejet,
Pour la chair pulpeuse, les démonstrations et les bisous,
D’ailleurs, quand tu la salue, elle se place systématiquement de biais,
Et elle te dit qu’elle n’est simplement pas tactile, c’est tout,
A 21 ans, elle prétend préférer la solitude,
Puisqu’au sein d’un couple, à priori, on se touche,
Mais pour Lili, le contact charnel, c’est une inquiétude,
Orgie d’une tante insouciante, souvenir effrayant de ses seins, sa bouche,
La solution est d’éviter toutes relations intimes, alors elle les élude,
A 30 ans, Lili ressent l’appel de la maternité,
Mais son corps refuse l’idée de s’arrondir,
Car les seins, elle le sait, ça sert a étouffer,
Comment accepter qu’ils puissent allaiter ? Rien ne va aboutir,
A 33 ans, elle enrage face à sa situation,
Aurait-elle tout loupé de sa vie ?
Pas de mari, pas de bébé, et depuis des années, en dépression,
Elle enchaîne les thérapies, voit toutes sortes de psy, flotte entre espoir et fatalité, jusqu’a l’abandon,
Le programme limitant, désespérant, se joue à l’infini,
La suite de l’histoire dépendra de son courage,
Car une empreinte traumatique, ça fait des dégâts,
Dans le corps autant que dans la tête, surtout des plus sages,
Et parfois, tu t’emprisonne avec, jusqu’à ton trépas,
Le premier pas est celui de la responsabilité,
Choisir de grandir, un jour, de réveil ou de souffrance, salvateur,
Oser, en toute innocence, se faire savamment accompagner,
Et, profondément, s’engager à son propre bonheur,
Oui, tu vas secouer le cocotier de tes dociles croyances,
Oui, tu vas peut-être douiller ta race, pleurer beaucoup et crier,
Oui, tu vas discerner et déblayer toutes les ingérences,
Oui, tu vas résister, insulter, puis, accepter de pardonner,
Je t’assure, tu vas passer par diverses et folles étapes,
Un flot d’émotions va débouler de tes entrailles,
Enfermées depuis trop longtemps, attendant ta permission, voilà qu’elles s’échappent,
Ton corps se dénoue, tes pensées se régénèrent, dans cette bénéfique pagaille,
Oui, crois-moi, tu vas bientôt rire vrai de découvrir l’arnaque,
De cet instinct, héritage de notre humanité, qui te pousse à te conformer,
Pour t’assurer l’attention, à tort et à raison, et éviter les attaques,
Mais au prix combien destructeur du mépris de ton Authenticité,
Bienvenue sur ce chemin de l’anti-fragilité, Lili, où tout commence,
Secoue, Largue, Detak, ce qui n’est que manipulation,
Offre-toi dans l’amour, la délivrance intime, avec persévérance,
Dans cet engagement, acte la plus joyeuse des abolitions,
Quelques heures de remue-méninges plus tard,
Lili, bien guidée, a trié son monde intérieur,
Allégée, apaisée, dans son corps et dans sa tête, un soir,
Elle ose la jouissance, libérée de toute rancœur,
A 36 ans, Lili porte son 1er enfant,
Il arrivera pour Noël, c’est prédit ainsi,
Le papa est très câlin, et Lili, c’est bluffant,
De cette douceur, ne pourrait plus s’en passer, aujourd’hui…
La morale de cette histoire, te dis Lili,
C’est de ne pas croire que toutes les histoires, ça finit mal,
Un trauma, si tu le décide, tu en guéris, et ça te conduit là où ton cœur t’attendait patiemment depuis ta naissance.
Véronique Briqué
Auteure de balades poétique