Le bain
J’ai plongé dans ma chair et j’ai rencontré des douleurs,
Parfois cachées derrière un sourire de pacotille,
D’autres fois, déguisées en d’assassines peurs,
Souvent hurlantes, privées de Voie, virant en manies,
J’ai voulu fuir, par facilité d’un automatique réflexe,
Remonter à la surface, où la raison parfume la vérité,
Puisque cela lui est aisé de lister de fabuleux prétextes,
Quand le cœur déjà gris, n’est plus que si rarement écouté,
Mais un jour souffrant de bienveillante détresse,
Les amarres résistaient, refusaient de céder à la tentation,
Plus je m’excitais dans mes gestes, sourde à ma sagesse,
Plus ma densité de plomb m’offrait la stabilité pour visiter le fond,
Visiblement, je découvrais cette puissance intrinsèque,
Capable de terrasser mes plus vieux et silencieux Démons,
Alors que je m’estimais perdue dans ce corps atone et sec,
Soudain, des vagues chaudes et révoltées délogèrent mes émotions,
Il m’était difficile de saisir leur message essentiel,
J’avais perdu le chemin qui mène aux intimes révélations,
Puis elles parlaient toutes en même temps, rebelles,
Presque en panique face au risque de mon énième abandon,
J’entendais que je n’avais pas droit de suite à la parole,
En tous cas, de celle qui déblatère, bien arrangées, de jolies histoires,
D’abord, de mes cellules, s’expulsait laborieusement la colle,
Mes sens engoncés, yeux grands ouverts, je ne pouvais plus rien y voir,
Ce sentiment de perdition à l’intérieur de moi-même,
M’acculait à l’évidence de ma sévère et mortelle démission,
Ce voyage non organisé était-il un tendre appel de mon Être blême,
Au programme libre, conduisant à une seule et vitale résolution…
Enfermée dans ma masse légère, désincarnée,
Le dos plaqué sur l’herbe douillette, la tête dans les nuages,
Mes larmes arrosaient abondamment la vie sous Terre, libérées,
Le feu du soleil sur mon ventre tentait de réparer les dommages,
Des décennies durant, j’avais glacé mon unique présence,
M’imposant des dogmes qui ne m’appartenaient pas,
Croyant devoir à tout prix être utile, en résonance,
A l’inconscience de mon Monde, à qui je servais d’appât,
Oh bien sûr, j’avais parfois, convaincue, tenté quelques stratégies,
Des grands écarts entre tout aimer et tout détruire,
Dévastée de constater l’inutilité de tous ces actes dépourvus de magie,
Incapable, avant l’heure juste, d’apprécier ma naissance sans renoncer ou rugir,
Puis il y eut aujourd’hui, qui m’embarqua sans mon autorisation,
Je ne connais pas encore l’impact de cette déflagration intérieure,
Qui chahute ma structure, ébranle mes fondations,
Priant les étoiles de me garder dans la véritable transmutation,
Je perçois depuis mes sens subtiles encore engourdis un lieu qui s’apaise,
Mon mental voudrait s’en emparer, en extraire quelque gloire,
Sotte je fus de lui laisser prendre tant d’années ses aises,
Quand mon âme m’appelait à investir en Moi, au-delà du miroir,
Est-ce un début, une bascule merveilleuse qui se joue là, sans bruit,
Même cette question, je la confie à l’univers, qui s’amusera,
De mon envie d’être le pion de mes propres règles, mouvantes à l’infini,
Dans la promesse que je me réserve de servir maintenant ma Loi,
D’utile, obsolète mais nécessaire boussole pour me trouver, je migre vers Vivante,
Allégée de ce dictat, émerveillée des aventures qui me traversent,
Obligée en aucun devoir, honorée de cette joie de vivre renaissante,
Je remercie l’étape, j’y dépose quelques bagages pour mieux m’emplir d’allégresse !
Gratitude.
Véronique Briqué
Auteure de Balades Poétiques