
Le risque d’aimer,
Tu vas me détester, aussi fort que tu vas m’aimer, et je n’y pourrai rien,
Je te pousserai dans tes retranchements, sans en avoir l’air,
Te vanterai que j’ai raison depuis mon inconscient arachnéen,
Et nous heurterons nos glaives dans la nuit d’aléatoires repères,
Tu vas me maudire pour sept générations autant que me libérer,
Dans chaque vain sursaut résistant au Grand Œuvre,
Et la pression de la Force brisera toutes nos velléités,
Se moquant de nos illusions d’être un seul instant à la manœuvre,
Tu vas me rejeter mille fois en espérant que je sois toujours là,
Écartelée entre la paranoïa d’une histoire qui se la raconte,
Et un cœur affamé, cherchant la Voie qui mène en Soi,
Pour garder le bilan en équilibre, je solderai les comptes,
Tu vas, perdue, te sauver nulle part, désespérée de ton endroit,
Et je veillerai sur le quai, frigorifié, guettant ton retour,
Battu par les Lames de fond des Eaux glacées, en désarroi,
Incapable de me repérer dans le labyrinthe de tes détours,
Tu vas piétiner ma patience et mes pardons de ta blessure béante,
Déchirée, enragée par l’ignominie de ta faiblesse,
Ma solide tendresse en écho pour amortir la charge irradiante,
Retourne la Terre labourée, et donne aux formes leur disgracieuse morbidesse,
Tu vas creuser et ravager jusqu’à l’écœurement les racines,
D’une lignée lourde et gluante, tel un inlassable ver de lumière,
Je t’observerai aérer et redessiner le Plan d’un espoir qui nous fascine,
Graines au vent capricieux rêvant de germer dans une claire matière,
Et je te dis merci d’être aussi forte et cruelle face à mon propre néant,
Tes exploits involontaires interdisant tout abandon par lâcheté,
Au risque de brûler d’effroi ou de se noyer d’égarement,
Merci de choisir, épuisée, au bout du vide, la puissance d’aimer…
Véronique Briqué
Plume & Prose